
Imaginez un peu ce site, connu et exploité depuis le XIIe siècle, allant s’agrandissant au fil des siècles, au fur et à mesure que l’habitat de pierre remplace celui de bois, à mesure que la prospérité apportée par l’exploitation viticole permet à de nombreuses familles de faire élever de belles longères, précédées de superbes porches enserrés dans de hauts murs. Depuis plusieurs siècles, la pierre calcaire coquillée extraite de Saint-Même forme la palette lumineuse du patrimoine charentais.
D’abord, ce sont les églises romanes de Charente et de Charente-Maritime qui bénéficient de ce calcaire dur mais velouté. Déjà, un document mentionne le recours aux carrières dans des documents liés à la construction de l’église Saint-Léger, à celle du pont de Cognac ainsi qu’à la reconstruction du rempart. La ville natale de François Ier se trouvant à une bonne quinzaine de kilomètres, on exploite le cours paisible du fleuve et c’est par gabares que transitent les pierres. Elles sillonnent alors, à partir du port de Vinade, cette voie de communication fluviale majeure jusqu’au seuil de Chaniers, où le relais est pris par la navigation fluvio-maritime qui les mène parfois jusqu’au Canada ! Il faut attendre la seconde moitié du XIXe siècle avant que les blocs de pierre ne soient transportés par le chemin de fer.
Jusqu’au XVIIe siècle, l’exploitation se fait à ciel ouvert puis des carrières souterraines se développent autour du premier site. À la lumière du jour ou à celle de la lampe à pétrole, les outils sont longtemps rudimentaires : le pic de carrier et plus tard la scie permettent de débiter des blocs de grande taille. Aujourd’hui, les carrières de Saint-Même sont parmi les plus grandes d’Europe avec 60 mètres de hauteur exploitée sur plusieurs niveaux.
C’est aussi un lieu fragile qui se découvre uniquement depuis l’extérieur à l’occasion de visites commentées. Car si ces carrières sont le fruit de l’exploitation humaine, elles sont aussi le refuge d’un important nombre d’espèces, parfois protégées.