
Vous pouvez encore admirer, rue des Fossés, dans le square Jean Monnet, l’une de ces tours flanquée de sa courtine. Au croisement de la rue des Fossés et de la Grand rue, prenez à gauche et, sur votre droite, entre les numéros 69 et 67, une façade porte les vestiges de la Porte Saint-Pierre. Elle accueillait le pont-levis et sa herse descendait entre les deux départs d’arcs.
En empruntant, quelques mètres plus loin, la rue Jacques et Robert Delamain, se trouve la maison du prieur, au début de la rue Basse. La façade est datée du XIIIe siècle ; il y subsiste deux fenêtres ogivales. Cette maison abrita la toute première mairie de Jarnac en 1793.
Au XVe siècle, la châtellenie de Jarnac, sise en son château qui baptise aujourd’hui la place principale de la ville, devient propriété de la famille Chabot qui ne s’en défait, contre son gré, qu’à la Révolution.
Guy Chabot (1514 – 1584) est assurément le plus illustre des membres de cette lignée pour être l’auteur du Coup de Jarnac. Ce morceau de bravoure lava son honneur d’une vieille – mais tenace – calomnie, qui prêtait à Chabot un train de vie opulent favorisé par Louise de Pisseleu (vers 1520 ou 1525-1562 ou 1563), alors maîtresse de François Ier (1494 – 1547). La rumeur lancée par Henri II (1519 – 1559), deuxième fils du roi, va même jusqu’à affirmer que la favorite aurait arrangé le mariage de Guy Chabot avec sa soeur Anne ! Or, cette dernière était la rivale de la future « plus que reine » Diane de Poitiers (1500 – 1566) alors maîtresse d’Henri II. Sur fond d’intrigues de cour et de vengeance, l’histoire devait assurément prendre un tour romanesque… Et si les duels étaient alors interdits, celui que réclamait Guy Chabot contre Henri II pour laver son honneur était tout particulièrement prohibé par François Ier.
Pourtant, l’avènement d’Henri II raviva la querelle et le jeune roi donna son accord pour cet affrontement, accord d’autant plus favorable pour lui que sa royale position lui interdisait toute forme de duel : il ne fallait pas risquer de tuer le roi. Ainsi, il choisit pour le représenter François de Vivonne, seigneur de La Châtaigneraie, connu comme le meilleur bretteur (bagarreur à l’épée) du royaume.
Le 10 juillet, à Saint-Germain-en-Laye, Guy Chabot, notre baron de Jarnac, affronte François de Vivonne. Le baron conscient de son désavantage, avait néanmoins pris certaines dispositions en prévision de cet événement. Ainsi, la défense de son honneur couplé à un entraînement intensif auprès d’un maître d’armes au cours des semaines précédentes, donnèrent la victoire à Chabot qui, par une botte inconnue des Français, blessa son adversaire au mollet. Ce fut la surprise générale, personne ne s’attendait à ce que nous nommons aujourd’hui le coup de Jarnac ! En particulier le malheureux seigneur de La Châtaigneraie, qui en mourut peu de temps après.
Dès lors, le Coup de Jarnac fut l’expression employée pour reconnaître une habileté particulière dans les armes ou en politique. L’Histoire pourtant donnera une autre tournure à l’expression, aujourd’hui synonyme de traitrise.
Quoi qu’il en soit, Guy Chabot s’en retourna, la tête haute, en son château des bords de Charente dont il ne reste rien depuis le XIXe siècle, si ce n’est l’île Madame qui faisait autrefois le plus bel agrément du domaine, et dont les promeneurs apprécient toujours le parc.