
C’est l’apport de cette résurgence et de différentes sources qui créent ce plan d’eau baptisé “Le Gouffre”. Le gouffre de Gensac a fait partie de la liste des sites classés en Charente au cours des années 1933 et 1934.
Vraisemblablement, un culte préchrétien dédié à une divinité de l’eau (assimilable à la Damona celte) s’était naturellement installé au gouffre. La proximité du site de construction de l’église tend à confirmer cette hypothèse. Puisque ce site nous émerveille encore aujourd’hui, il est aisé d’imaginer à quel point il a pu fasciner nos ancêtres par le passé. Nombre de légendes et de récits mystérieux occupe encore les imaginaires et se répétait certainement lorsque les lavandières rinçaient leur linge dans le lavoir baigné des eaux du gouffre.
Les berges de ce dernier sont essentiellement privées, l’une des raisons pour lesquelles vous ne pouvez pas en faire le tour. Certains audacieux ont ainsi fait valoir leur droit privé pour utiliser à leur profit les eaux pures et bleues ; en témoigne cette fabrique artisanale de limonade et d’eau de Seltz, installée sur les berges au début du XXe siècle, et dont le souvenir n’a pas quitté les esprits. La marque mondialement connue de vodka charentaise s’est-elle souvenue de cette ancienne entreprise lorsqu’elle a fait valoir l’utilisation des eaux du gouffre comme gage de la qualité de ses produits ? On peut l’imaginer !
Une autre raison vous empêche de circuler : l’aval (à l’est), est constitué de berges humides et spongieuses qui interdisent de s’y aventurer sans équipement adapté. Enfin, vous êtes aussi face au berceau d’un petit affluent de la Charente sur sa rive gauche : le Ri de Gensac. Il se forme par évacuation des eaux du gouffre. Modeste, il serpente sur seulement trois kilomètres et ne franchit pas les limites de la commune.
Cela n’a pas empêché quatre moulins de s’installer sur son cours régulier. Sa température constante de 16°C, été comme hiver, a également attiré l’attention de la pisciculture. Ainsi, le moulin au gouffre (dont la date de 1773 gravée dans la pierre n’indique pas celle de la construction du moulin – dont l’activité est attestée depuis bien plus longtemps – mais peut-être celle une rénovation importante des bâtiments), réunit aujourd’hui, et en ce seul lieu, l’ancienne activité des meuniers et celle, contemporaine, de l’élevage de truites – dont nombre sont destinées à repeupler les rivières – et d’esturgeons. Le caviar charentais est encore discret, mais il est assurément un indispensable des gastronomes d’ici et d’ailleurs.